Dans son article sur les représentations sociales du travail, de l’économie et de la justice publié en 2002, le sociologue Frédéric Mertz constatait que le travail constituait une norme collective à laquelle les résidents du Luxembourg adhéraient fortement. « Le travail possède une dimension morale forte. […] À l’inverse, le non-travail, entendu comme le fait de ne pas exercer une activité salariée régulière (chômage, travail au foyer, travail bénévole) est très faiblement reconnu au Luxembourg, entraînant un processus de stigmatisation sociale », écrivait-t-il dans la conclusion de son article (Mertz, 2002 : 186). En outre, l’auteur observait que le poids moral du travail était plus important au Luxembourg qu’ailleurs en Europe, et qu’une large majorité d’individus étaient d’avis qu’il fallait avoir un travail pour développer ses capacités et être utile à la société. Quelques différences apparaissaient toutefois en fonction des caractéristiques sociodémographiques des répondants, les représentations sociales du travail variant sensiblement selon l’âge, le statut d’activité, la nationalité et le statut socioprofessionnel. Près de 10 années plus tard, qu’en est-il de ces représentations sociales du travail ? La dimension morale du travail est-elle toujours aussi forte au Luxembourg ? Considère-t-on toujours nécessaire d’avoir un travail pour développer ses capacités et être utile à la société ? La relative dégradation du marché du travail intérieur, documentée notamment par Langers et al. (2009 : 42-45)1, a-t-elle modifié l’image que l’on se fait du travail ? Observe-t-on toujours des variations de cette dernière selon les catégories sociodémographiques et socioéconomiques des résidents ? Le présent papier examine ces différentes questions à partir des données de l’European Values Study (EVS) recueillies au Luxembourg en 1999 et en 2008. Utilisant les mêmes indicateurs que ceux utilisés par Mertz (2002) en 1999, il présente l’évolution des représentations sociales du travail entre 1999 et 2008 et tente d’en expliquer les principales variations.